Un, des langage(s) pour aider……….à dire
Non, les éducateurs spécialisés ne sont pas, comme j’ai pu l’entendre dire, de ci, de là, par certains (et heureusement minoritaires) psychologues, des « pseudo-thérapeutes frustrés » qui ne maîtriseraient pas un langage alors réservé qu’à ces mêmes psychologues, ceux-ci ne donnant ainsi, et de façon tout à fait explicite, aucun droit à ceux qu’ils critiquent, d’exprimer leur ressentis, leurs éprouvés, leurs expériences de la relation à l’Autre, leurs hypothèses par ce langage « sacré »…
Les éducateurs spécialisés qui accompagnent quotidiennement des personnes en grandes difficultés sont continuellement placés au centre de questions complexes et souvent contradictoires.
Leur pratique éducative s’inscrit dans la prise en compte profonde et authentique de la personne accompagnée, ainsi que dans la relation particulière qu’ils engagent avec elle, appelant une démarche continuelle de médiation s’appuyant sur les notions d’empathie et de compréhension...
Les éducateurs sont aussi souvent des accompagnateurs du quotidien, « des gardiens du quotidien » dit même Joseph ROUZEL.
Mais ce quotidien est-il seulement cet espace-temps sans signification importante, sans réelle valeur, recalé au fin fond de l’accompagnement globale de la personne, à opposer à la prise en charge, au soin, à la thérapie, à la réflexion ?
N’est-il pas surtout le lieu privilégié et essentiel des accompagnements, des relations, des échanges, des expériences, d’un possible cheminement de vie, de l’éducation tout simplement !!!
Les éducateurs sont alors aussi « les conteurs » de ces accompagnements, des ces relations éducatives de tous les instants.
Et les dire, les raconter, les expliquer, puis encore les réfléchir, les analyser (…), tout cela n’est pas simple pour ne pas être réducteur…
L’espace de ces relations singulières fait inévitablement appel à des savoirs, des disciplines, des concepts différents que les éducateurs spécialisés, par le biais de leurs formations (initiales, complémentaires, continues…) et de leurs expériences, acquièrent, adaptent, utilisent progressivement dans le but essentiel d’aider au mieux la personne dans les situations et contextes de sa vie.
Ainsi, il peut s’agir de la sociologie, de l’ethnologie, voire de l’apport anthropologique pour une approche compréhensive de la question sociale, des différents courants de la psychologie, la clinique et la psychanalyse pour aborder la question des développements affectifs, des processus psychiques des sujets (y compris celle de l’éducateur lui-même...), mais aussi des enjeux inconscients dans la relation éducative...
Les éducateurs sont aussi amenés à aborder des connaissances dans les domaines de la pédagogie pour ce qui englobe les processus d’apprentissage, de la psychiatrie dans le champ du handicap, de l’inadaptation, des maladies mentales, et plus largement de la philosophie dans une démarche de réflexion sur les valeurs, la pensée, l’humain... (sans oublier les apport incontournables et référentiels en droit, économie...).
Pour tenir leurs places, les éducateurs savent progressivement qu’ils ne peuvent fonctionner sous l’emprise d’un seul discours des disciplines dont s’inspire l’éducation spécialisée car, en effet, aucune théorie satisfaisante ne permet d’unifier la pratique de celle-ci. Ils prennent aussi être conscience qu’ils ne peuvent pas non plus mélanger ou juxtaposer simplement ces discours, isolant souvent chacun, un aspect d’une réalité plus large et complexe pour aboutir à ce que Joseph ROUZEL appelle «un mixte, une bouillie conceptuelle».
Mais les éducateurs spécialisés, «travailleurs de l’immatériel et du symbolique» comme l‘explique Jean BRICHAUX dans son ouvrage “L’éducateur spécialisé en questions(s)” , inscrits dans une équipe pluridisciplinaire sont amenés à choisir, à adapter leurs connaissances, leurs représentations, à une approche multiréférentielle la mieux adaptée à l’hétérogénéité de la personne et des contextes, et à “s’imprégner” des différents concepts théoriques pluridisciplinaires afin d’appréhender plus justement leur position et leur compréhension des situations.
Alors les éducateurs spécialisés, formés, sensibilisés aux courants des sciences humaines doivent réellement s’autoriser à utiliser tous les langages à leur disposition, dans l’essentiel but d’aider toujours plus la personne accompagnée, de faire progresser sa situation, et tant pis pour les éventuelles erreurs, les confusions de sens (…) - la parole n’est pas dangereuse, c’est ce que je rappelle chaque jour aux enfants que j’accompagne.
Enfin, Sigmund FREUD n’écrivait-il pas, dans la préface de "Jeunesse à l'abandon" d'August AICHHORN : "Si l'éducateur formé à l'analyse par expérience vécue est amené dans certains cas limites ou complexes à recourir à l'analyse pour étayer son travail, il faut lui reconnaître sans détour le droit de s'en servir : l'en empêcher relèverait de questions mesquines."
Eric Furstos © Tous droits Réservés - 2006
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